Mélanie Leblanc
%20NINA%20MEDVED.jpg)
Pour l'exposition Relier au Musée Stéphane Mallarmé, Mélanie Leblanc a décrit sa démarche. Il nous semble que ce texte constitue une belle porte d'entrée dans son écriture, car l'exposition reflète les différentes facettes de son travail. Nous le copions ici en guise de présentation :
"À seize ans, en découvrant « le soleil noir de la mélancolie » de Nerval, j’ai compris que mon nom cachait un oxymore, qu’il unissait le noir et le blanc, l’ombre et la lumière. Or, réunir les opposés, relier est ce qui m’importe – et qui donne son titre, comme une direction, à cette exposition.
(...) Le lien entre la poésie et les arts est présent dans la scénographie de l’exposition, chaque pièce ayant une dominante artistique : dans la pièce principale, la poésie rencontre les arts visuels ; dans la deuxième, le salon japonais invite à l’écoute de rencontres entre poésie et musique ; enfin, dans la bibliothèque, un écran diffuse un film réalisé à partir d’une correspondance. Ces différents espaces sont eux-mêmes reliés par un poème-fil. Dans la salle de médiation, des jeux poétiques sont aussi proposés. Pour se relier, à soi et aux autres, il me semble essentiel d’être dans la joie, jouer !
À travers les œuvres, on peut voir que l’idée de relier ne s’arrête pas aux liens entre les arts.
Ainsi, « Relier », le poème-fil qui parcourt l’exposition, évoque comment la voix des morts se lie à celle des vivants. Je questionne également les pouvoirs de la poésie pour se « religere », l’étymologie latine nous rappelant que le mot « religion » a la même origine. Il ne s’agit pas de faire de la poésie une religion nouvelle, mais un lieu où faire du commun, en partageant sur de l’essentiel.
J’aime travailler l’épure, comme j’ai pu le faire avec Des falaises. Je souhaite à ma façon « donner un sens plus pur aux mots de la tribu », ce qui n’est ni mépris de la tribu, ni pratique élitiste. Au contraire, je pense que l’économie de mots est une façon de laisser de la place au lecteur, une invitation à ce qu’il co-crée le poème avec l’auteur. Lors de mes années d’enseignement en collège de ZEP comme en atelier, j’ai rencontré des élèves “bloqués avec l’écrit” très à l’aise avec la poésie. Je suis persuadée que l’on peut proposer la plus haute exigence poétique sans exclure. Avec la musique acousmatique comme avec la poésie visuelle, les mots sont pesés avec soin, choisis, donnés à voir et à entendre dans toute leur puissance retrouvée. Philippe Longchamp, dans la revue Esprit, avait qualifié mes poèmes de mille-feuilles, une image qui m’a marquée car elle dit combien je cherche à être à la fois immédiatement accessible, me souvenant de la phrase d’Antoine Emaz, « le poème doit être accessible à une sensibilité d’enfant », tout en proposant d’autres strates."