Répondant à une aspiration de notre présent, à une question de notre époque : comment faire peuple ?, le recueil de Mélanie Leblanc revendique une nouvelle manière de considérer et de vivre le Nous.
Écrit au milieu des tensions suscitées par le climat social, la crise sanitaire, la tendance à l’isolement et au repli qu’ils alimentent, le livre mobilise un Nous qui transcende le sociétal et le politique. Nous sommes « la tribu des grands vivants ».
Le livre présente successivement une vingtaine de façons de se relier les uns aux autres, de faire « ensemble ». À la manière d’un tarot et de ses arcanes, chaque poème porte une facette du Nous qui permet de le repenser et de l’élargir (nous eau, nous ronde, nous debout…).
Ce livre existe en version légère agrafée à 7 €. Disponible ici.
Un court entretien avec Mélanie Leblanc au sujet du Manifeste du Nous
Quel est le « Nous » de ces poèmes ?
Le Nous du prologue est le pronom dans son usage courant. Mais ce Nous s’affirme tellement comme une entité à part entière qu’il devient rapidement un nom, suivi de verbes conjugués à la troisième personne du singulier. Une allégorie. C’est un Nous vaste, qui échappe à tout ce qui pourrait l’enfermer dans une définition ou un groupe identifiable. Un Nous qui nous relie dans notre humanité.
Pourquoi avoir choisi d’écrire un « manifeste » ?
J’ai ressenti un besoin immense d’affirmer nos liens, de dire l’unité qui fait notre force, alors que dans les médias il n’était question que de divisions, autour de questions sanitaires et politiques. Il s’agit ici de faire appel aux pouvoirs de la poésie pour se « religere », se relier au-delà de toute religion. Ce manifeste propose un passage du « ou… ou » au « et… et ». C’est un Nous fait de milliards de Je, un Nous du peuple de la terre et des étoiles, un Nous qui accueille et qui sait dire non.
Quelle est la dimension politique de ce recueil ?
Dans son Tract de crise, Edgar Morin écrivait : « En tant que crise planétaire, elle met en relief la communauté de destin de tous les humains en lien inséparable avec le destin bio-écologique de la planète Terre ; elle met simultanément en intensité la crise de l’humanité qui n’arrive pas à se constituer en humanité. » (Gallimard, 2020) Je crois profondément aux pouvoirs de l’art pour nous « constituer en humanité ». Je crois au pouvoir performatif de la langue.
Commencer le Manifeste en affirmant que la division a échoué, c’est faire qu’elle échoue, vraiment.
Quel est cet Amour qui porte le Nous, que pourrait-on en dire si on cherchait à l’expliquer, à un enfant par exemple ?
Les enfants comprennent sans doute de façon plus immédiate que les adultes le mot Amour tel qu’il apparaît dans le manifeste. Ils n’ont pas encore réduit ce mot aux histoires d’amour entre deux personnes. S’il fallait expliquer, peut-être que je dirais : l’Amour c’est l’énergie qui traverse toute la création, qui nous fait vibrer, nous fait vivre. Ce qui constitue notre humanité.
En quoi ce travail d’écriture se distingue-t-il des précédents ?
Aucun de mes livres ne se ressemble, puisque chaque fois une nouvelle langue naît, en fonction de ce qui doit se dire. L’aspect déclaratif, l’emploi du « nous », les phrases plus amples, en font un livre à part. Et pourtant il existe aussi de vrais liens entre tous mes livres. Sans doute peut-on les trouver dans la présence de la nature et du cosmos, dans l’élan vers l’autre et dans le choix d’une langue qui s’adresse à toutes et tous.
Le Manifeste du Nous • artisanal • Mélanie Leblanc
Auteure
Caractéristiques techniques
Mélanie Leblanc est aussi l'auteure du recueil de souhaits des étoiles filantes, ainsi que des gens qui osent, éphéméride et quand mon cœur (les Venterniers) et des ouvrages Le Labyrinthe des Jours (Le Castor Astral, 2021), Des falaises (Cheyne, 2016) et Presque je vole (Littérature mineure, 2017). Elle a traduit les poèmes de Karen Dalton (chez Littérature minueure).